
Pour les journalistes de la presse fribourgeoise, c’est le choc. Après plusieurs années difficiles lors desquelles le Groupe St-Paul a constamment réduit son budget en personnel en limitant l’embauche après des départs ou en cessant de travailler avec des journalistes pigistes, l’éditeur des quatre titres de presse du canton (La Liberté, La Gruyère, La Broye et Le Messager) annonce des licenciements touchant l’ensemble de ses secteurs d’activité. L’hebdomadaire de la Veveyse disparaît fin 2025 et les rédactions perdent encore des collègues sans espoir de retrouver prochainement des forces vives, la direction annonçant un gel des embauches.
L’Association professionnelle déplore la perte du Messager, titre intégré à La Gruyère. impressum se coordonne avec la Société des rédactrices et des rédacteurs et se tient à disposition de ses membres alors qu’une phase de consultation proposée par la direction s’ouvre. Tous les titres du Groupe St-Paul bénéficient d’une CCT et l’éditeur est acteur de longue date du partenariat social. impressum, association professionnelle réunissant plus de 3200 journalistes en Suisse, mise sur un dialogue constructif pour trouver des solutions alternatives aux licenciements envisagés et négocier des mesures d’accompagnement adéquates.
Aides publiques et effet domino
impressum rappelle l’urgence de débloquer des aides financières publiques à la hauteur des défis que doivent relever les médias régionaux. Le manque de financement produit des réactions en chaîne dans un univers médiatique suisse très interdépendant: la fermeture de deux centres d’impression par Tamedia impacte le groupe fribourgeois de plein fouet et l’oblige à revoir l’heure de bouclement pour diminuer les coûts d’impression dès 2027. Les titres devront alors miser essentiellement sur le numérique pour traiter de l'actualité trop tardive. impressum s’inquiète de cet effet domino qui risque pourtant de prendre encore de l’ampleur avec les coupes prévues dans les médias du secteur public.
“La presse doit pouvoir innover, mais aussi prendre des risques, pour réussir cette transition. Les soutiens publics doivent participer à ces investissements afin que le journalisme poursuive sa mission d’alimenter le débat démocratique avec des informations vérifiées, sourcées et impartiales", explique Etienne Coquoz. Le co-directeur d’impressum enjoint les autorités fribourgeoises à ne pas être frileuses au moment de distribuer les 3,75 millions de francs d’aide aux médias récemment adoptées au niveau cantonal. “Chaque titre qui disparaît est une perte sèche pour la pluralité des médias et la démocratie. Il ne faut pas attendre qu'il soit trop tard pour débloquer les fonds.”
Les journalistes au front
L’annonce du Groupe St-Paul vient alimenter un flux de mauvaises nouvelles quasi continu depuis 2023. Les journalistes romand·e·s membres d’impressum organisent depuis fin 2024 un grand cycle de conférences pour contribuer à mettre en lumière les problématiques et les enjeux propres au journalisme en Suisse, mais également les potentielles solutions. Alors que la branche souffre, les professionnel·le·s des médias se mobilisent pour questionner et réinventer leur métier. Après quatre conférences depuis décembre 2024, Elisabeth Baume-Schneider, conseillère fédérale, débattra en mai, dans le Jura, du journalisme local et de ses liens avec la politique. A Fribourg, en juin, l’identité et la reconnaissance du métier seront au centre des discussions. Dans cette même veine, le 7 juin à Bienne se tient le Presstival, premier festival de journalisme en Suisse.