Les rédactions de Tamedia débrayent en Suisse romande

Aujourd’hui, près de 180 personnes ont manifesté leur opposition au plan de restructuration de Tamedia à Genève comme à Lausanne entre 11h et 12h. Répondant à l’appel des rédactions des titres romands concernés par les mesures d’économies et les licenciements (Tribune de Genève, 24h, Femina, Le Matin Dimanche, Cellule digitale, Services éditoriaux de Tamedia(TES)), les journalistes ont débrayé avec le soutien d’impressum, association professionnelle des journalistes suisses, et syndicom, syndicat des médias et de la communication.

90 journalistes doivent perdre leur emploi, a annoncé Tamedia le 27 août dernier, avec une forte probabilité que la Suisse romande soit rudement touchée (autre article: annonces du 17 septembre 2024). Avec la saignée appliquée en 2023, c’est un total avoisinant les 170 postes qui sont perdus au sein des rédactions du groupe en deux ans. Deux imprimeries sur trois fermeront leurs portes laissant 200 imprimeurs sur le carreau. La stratégie de Tamedia ressemble plus à un démantèlement qu’à une vision d’avenir pour l’entreprise. Et elle met toujours plus en péril le bon fonctionnement des rédactions. C’est, entre autres, ce que les journalistes des rédactions de Tamedia, et leurs confrères et consœurs venu·e·s en soutien, ont dénoncé avec force devant la Tour Tamedia à Lausanne et devant les bureaux de la Tribune de Genève.

A Genève, le débrayage a rassemblé près de 80 personnes devant les bureaux du titre de référence de la cité du bout du lac. « Les réactions politiques et citoyennes à Genève ont démontré l’attachement profond d’une région à son titre phare, souligne Séverine Chave, présidente de l'Association genevoise des journalistes (AGJ). Elles n’ont pas été sans effet: jamais Mme Peppel-Schulz ne se sera autant déplacée en Suisse romande que ces deux dernières semaines. Dans ces circonstances, les journalistes doivent rester unis et sortir des murs de leurs rédactions pour imaginer ensemble de nouveaux modèles. Le rôle de l’AGJ sera de donner un cadre à ces discussions. » 

A Lausanne, l’action a réuni 100 personnes, parmi lesquelles de nombreuses personnes presque habituées à battre le pavé en septembre à l’ombre de la Tour Tamedia au vu des restructurations incessantes. Alberto Tikulin, président de la section vaudoise d’impressum, y a questionné la stratégie de la direction pour sa presse romande et prévient qu’elle risque de mener à « diminuer le nombre de journalistes comme peau de chagrin avant de fermer les titres en arguant qu’ils se ressemblent tous. »

Les membres du Grand conseil vaudois étaient hier en séance avec les représentants du personnel de Tamedia pour saisir les enjeux de la situation. Ce matin, Isabelle Moret, Conseillère d’Etat vaudoise, était notamment présente pour exprimer son soutien.

Exigences d’impressum envers Tamedia

impressum demande un moratoire sur les licenciements chez Tamedia. Pour l’association professionnelle réunissant près de 3500 journalistes, la CCT signée avec Médias Suisses, et notamment l’article 7 lettre a, n’est pas respectée, le personnel n’ayant pas été associé aux réflexions en amont sur cette stratégie « radicale », selon l’expression utilisée par la direction. Pour que le partenariat social puisse être respecté, Tamedia doit suspendre ses démarches annoncées et reprendre les réflexions à la lumière des réalités du terrain que seule une participation active du personnel lors de l’élaboration d’une telle restructuration peut garantir. 

impressum réitère son exigence de transparence envers l’ensemble du personnel pour assurer un fonctionnement qui doit être sain et serein malgré les stratégies continuellement changeantes de Tamedia, ce qui est chaotique et épuisant pour les collaboratrices et collaborateurs et délétère pour la qualité de l’information et la diversité de la presse.

Co-présidente d’impressum, Caroline Gebhard déplore que Tamedia, avec ses coupes incessantes et ses exigences de rentabilité, réduise ses titres de presse à de simples biens de consommation. « Ce serait tellement facile de ne publier ou de ne diffuser que ce qui fait du clic puisqu’on sait si bien monitorer nos contenus. Mais autant dire que pour nous, journalistes, ce serait vendre notre âme au diable », déclare-t-elle. « Cette profession, on a choisi de l’exercer au service du bien commun. Et dans les rédactions, là où se fabriquent véritablement nos médias, on n’est pas près de l’oublier. Mais pour ça, dans les étages supérieurs, il va falloir qu’on finisse par l’entendre. »

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