Bien qu’impressum ne puisse que saluer la décision prise par le Tribunal de Police de Lausanne, elle ne peut que constater l’augmentation constante des procédures judiciaires à l’encontre des journalistes qui sont une stratégie de plus en plus courante afin de restreindre la liberté de la presse. Cette stratégie est connue sous le nom de procédures-bâillons ou «SLAPPs» (Strategic Lawsuits Against Public Participation) en anglais. Ces procédures sont des actions en justice intentées dans le but de neutraliser, censurer, voire intimider les journalistes, notamment d’investigation, et ceci afin de les empêcher de faire leur travail. Elles sont principalement le fait de sociétés ou de personnes riches et influentes, mais parfois même des entités publiques qui n’hésitent pas à se servir de l’argent public pour museler les journalistes.
Plusieurs membres d'impressum ont déjà été victimes de telles stratégies et la tendance s'est renforcée ces dernières années. Le rapport de force inégal entre les plaignants et les défendeurs a pour effet de restreindre de manière anticonstitutionnelle la liberté de la presse des journalistes et la liberté d'information de la population. La situation financière difficile de l'ensemble de la branche journalistique, notamment dans les médias indépendants des grands groupes, aggrave encore le problème, car il est tout simplement impossible pour ceux-ci de financer les frais d'avocat de plusieurs procédures.
Concernant ce verdict, notre membre Camille Krafft indique que « Cet acquittement est un grand soulagement pour moi et une très bonne nouvelle pour la liberté d'expression et pour la liberté de la presse. L'un des rôles phare des médias est de mettre en lumière des dysfonctionnements, et nous avons besoin d'élus qui assument de porter des paroles fortes lorsque ces dysfonctionnements sont flagrants. C'est aussi l'aboutissement de quatre ans de procédure, dont le but était de m'empêcher de continuer mon travail d'enquête en déposant plainte de manière très large contre moi et contre les personnes qui se sont exprimées dans l'article en question. J'aimerais souligner que ce "bâillon" n'a pas fonctionné, et que j'ai pu continuer mon travail d'investigation avec le soutien de ma rédaction en chef de l'époque, que je remercie pour sa confiance. La multiplication de ce type de procédure m'inquiète toutefois, car elles peuvent freiner le travail de celles et ceux qui ne sont pas employés par un grand groupe de presse aux reins solides financièrement».
Ce procès est donc emblématique à plusieurs égards au nom notamment de la liberté d’expression et de la presse. Il démontre ainsi comment les procédures judiciaires peuvent être utilisées afin d’atteindre à ces libertés fondamentales. En novembre 2022, la Commissions des affaires juridiques du Conseil national avait pourtant proposé à son conseil de ne pas donner suite à l’initiative parlementaire Mahaim «Procès-bâillons en Suisse. Pour une réglementation protégeant mieux la liberté de la presse». En effet, elle n’avait pas estimé pertinent de légiférer sur ce problème qui demeure, à sa connaissance, anecdotique dans le paysage juridique et médiatique suisse.