En effet, selon l’article 47 de la loi sur les banques modifié en 2015, toute personne utilisant à son profit ou au profit d’un tiers des données bancaires volées peut désormais se rendre coupable de violation du secret bancaire, même si elle est extérieure à l’établissement concerné et même si elle n’exerce aucune fonction dans le domaine bancaire. Est en effet puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement, aura révélé un secret qui lui a été confié par un organe, employé ou mandataire notamment.
Si cette disposition s’étend aux journalistes qui ne font que leur travail, soit des enquêtes dans l’intérêt public, elle viole dans un cas d’application l’article 16 de la Constitution fédérale et l’article 10 CEDH qui protège la liberté d’informer. Or, cette hypothèse avait été parfaitement anticipée par la commission de l’économique et des redevances du Conseil national qui stipulait, dans son rapport du 19 mai 2014, que « comme dans les autres dispositions du code pénal, le droit fondamental à la liberté de la presse est pris en considération par le biais des prescriptions spéciales de la partie générale du code pénal concernant la punissabilité des médias (cf. art. 28 CP). Celles-ci stipulent notamment que l’auteur est en principe seul punissable si une infraction a été commise sous forme de publication par un média ». Or, cette disposition ne concerne aucunement la liberté de la Presse mais bien plutôt la participation à une infraction par voie de presse, ce qui démontre une absence de prise en compte totale de cette garantie constitutionnelle et européenne.
Il faut rappeler également qu’une restriction à la liberté de presse n’est admissible, au regard de la Constitution fédérale et de la Convention européenne des droits de l’Homme, qu’aux conditions suivantes : a) reposer sur une base légale ; b) elle doit être inspirée par un but légitime : prévenir le crime, protéger l’ordre public ou la morale. c) La mesure restrictive doit être jugée comme nécessaire dans une société démocratique. Il y a un principe de proportionnalité : les restrictions imposées doivent être proportionnées au regard du but à atteindre. Au sens d’impressum, cette disposition, cardinale dans les sociétés démocratiques, est violée si l’article 47 de la loi sur les banques interdit de telles enquêtes journalistiques.
D'ailleurs, impressum – les journalistes suisses n’est de loin pas la seule organisation à s’indigner contre cette disposition légale à l’application incertaine. Il convient notamment de mentionner la prise de position de la Fédération européenne du journalisme qui condamne fermement la Suisse pour cette ingérence dans la liberté de la Presse : « Switzerland simply does not respect European legal standards on freedom of expression and freedom of the press," says Ricardo Gutiérrez, General Secretary EFJ. "It favours the particular interest of bankers over the general interest. The necessary public debate is confiscated. The case law of the European Court of Human Rights, which authorises the disclosure of confidential information as long as it serves the public interest, is not applied in Switzerland. This practice is worthy of the worst authoritarian states. It must be stopped. » (voir sous le lien Communiqué de presse de la FEJ en anglais)
impressum – les journalistes suisses considère ainsi que le Parlement devrait ajouter une exclusion expresse des médias du champ d’application de l’art. 47 de la Loi sur les banques et les caisses d’épargnes.